Tout commença, il y a vingt-cinq ans, dans une contrée où deux royaumes se faisaient la guerre depuis des centaines et des centaines d’années. Cette contrée se nommait : Vérone. Les deux royaumes ennemis quant à eux étaient répartis aux deux extrémités de cette dite ville, ne manquant jamais une occasion de se battre.
Je suis née au cours d’une soirée automnale, la première d’une lignée, l’enfant prodigue. Cinq ans après ma naissance, naquit ma petite fille, qui allait devenir mon bien le plus précieux : Rosaline. Avant de rencontrer Roméo ma vie était simple. J'étais cette jeune fille une peu rebelle dont on louait la beauté dans tout le royaume et ceux environnant. Cette fille que ne vivait que pour voir le visage de sa cadette se fendre avec un sourire, et qui aimait voir briller la lueur d'amour dans le regard de son cousin. J'étais cette petite fille, qui une fois adolescente s'était mise à croire au grand amour. Cette fille que se voyait déjà reine de Vérone, mariée à un gentilhomme qui l'aimerait et qui lui aurait fait des enfants et qui serait morte après avoir eu une vie remplie d'amour, de rire, bref une vie parfaite.
La tempête qui a bouleversé toute ma vie réduisant à néant tous les plans que j'avais passé tant d'année à bâtir porte un nom : Roméo Montaigu. Cet homme, je le connais depuis bien longtemps, je connaissais son histoire et l’histoire de sa famille et je savais qu’une seule chose : il était comme une fleur empoisonnée, beau mais destructeur.
Enfin ça c’était ce que ma famille m’avait conté. La réalité est tout autre.
A l’aube de mes dix-sept ans, mes parents se mirent en tête de me marier afin d’augmenter leur puissance. L’heureux élu ? Pâris. Un nom que me donnait la nausée dès qu’une personne avait le malheur de le prononcer. Durant une année complète j’opposais une farouche résistance à ce mariage épaulée par mon acolyte de toujours : Tyblat. J’espérais naïvement que mon prétendant s’épuise à force de s’heurter à un mur, mais ce fut le contraire. Ma résistance le fascinait, autant qu’elle l’exaspérait. Une année s’écoula, et Pâris donna un nouvel ultimatum à mon père : si je ne l’épousais pas dans le mois qui suivait, alors il prendrait Rosaline. En apprenant cela, je mis immédiatement fin à ma vendetta contre cet homme. Sauver Rosaline était ma priorité.
Ma mère organisa alors un bal masqué en notre honneur, pour annoncer nos fiançailles aux royaumes des Capulet et à nos alliés. Cette soirée, je l’avais maudite du plus profond de mon être. Enfin, ça c’était avant que mon regard ne croise celui de Roméo Montaigu. A l’instant même où je l’avais posé sur lui, un courant électrique m’avait saisi et j’avais lâchement fui. Face à la fontaine, j’étais en train de reprendre mes pensées quand il me trouva et toute ma vie fut chamboulée. Ô attention, au départ, j’ignorais qui il était, mais quand la présence des Montaigu fut découverte je ne mis pas longtemps à comprendre.
J’ai essayé de résister. J’ai vraiment essayé de me contrôler et de faire ce que je devais faire pour être la digne fille des Capulet en vain.
Je n’ouvrais les yeux que dans l’espoir de le revoir, et chaque soir il m’enlevait pour me faire la cour. C’était un rêve. Un rêve merveilleux, mais la réalité nous rattrapa bien vite. L’échéance de mon mariage avec Pâris arrivait à grand pas. Aussi Roméo me demanda en mariage et nous nous mariâmes dans le plus grand des secrets entourés par ma nourrice, Rosaline, Mercutio, Benvilio, le frère Roland et dieu.
Avec innocence, nous pensions qu’un mariage approuvé par les dieux parviendrait à réunir nos familles ennemies et qu’enfin Vérone pourrait être un seul et même royaume unifié autour de notre amour et en paix. Mais rien ne se passa comme on l’avait imaginé, le lendemain de notre nuit de noce Roméo tua Tyblat pour venger la mort de Mercutio et fut banni de Vérone. Quant à moi, mon châtiment était d’épouser Pâris une fois les obsèques de Tybalt effectuée.
Un châtiment que je refusais. Vivre en étant la femme d’un autre était impensable pour moi, aussi à défaut d’arriver à me donner la mort sans mon amour, j’ai tenté de me libérer en usant de la magie. Terrible erreur … Une terrible erreur qui scella également le destin de ma cadette.
Je m’étais fait bernée. Cette sorcière n’était qu’un imposteur. Elle était la sœur de Pâris. De surcroit, elle avait également tenté d’épouser le jeune homme, mais avait essuyé un échec cuisant. Un refus qui l’avait blessé au plus profond de son âme. Les rumeurs concernant les épousailles de la Capulet avec lui, n’avait fait qu’éveiller son désir de vengeance. Alors quand elle m’a vu, désemparée, le regard bouffi par les larmes, accompagnée par ma sœur qui misait toute son existence sur moi, elle n’a plus hésité une seule seconde. Elle nous fit boire un breuvage qui nous plongea, Rosaline et moi dans un sommeil des plus profonds. Puis elle nous a mené dans une maison close nommée « Les cygnes ». Le principe de ce culte de la décadence, où tous les vices du plaisir se confrontaient était simple, l’aile des cygnes blancs était principalement tendre (enfin pour une maison close), tandis que celle des cygnes noirs était plus sulfureuse.
Lorsque je me suis réveillée, j’étais étendue au côté de ma sœur, perdue, ma tête manquant d’exploser. On nous avait changé pour nous mettre une robe rose qui ressemblait plus à une nuisette qu’à une robe. Réveillant ma sœur, un mauvais pressentiment me tordant l’estomac. J’avais à peine eu le temps de faire émerger ma petite sœur qu’une femme des plus sulfureuse et vulgaire avait rompu notre solitude pour nous apprendre les règles de la « maison ». Puis nous avons été séparés, j’avais été mené dans l’aile des cygnes blanc et Rosaline celle des cygnes noirs. Notre enfer commençait mais j’avais décidé que nous n’y resterions pas, nous n’étions pas des catins.
Le premier homme à être venu me consommer fut Pâris et c’est ainsi que toute cette machination m’était reporté. S’il ne pouvait jouir de ma dote alors, je lui rapporterais de l’argent autrement et ainsi je comprendrais ce que mon refus a engendré.
Et s’il y a bien une chose que je peux dire, c’est que j’ai compris. Malgré mes rebellions, mes tentatives d’évasions et l’espoir qu’un jour mon mari vienne me secourir, je finissais par oublier son visage. A l’instar du souvenir de mon grand amour qui disparaissait, celle que je fus jadis mourrait également. Les discours de la mères maquerelles et de Pâris eurent raisons de ma volonté. Roméo ne viendrait pas. Roméo avait refait sa vie avec une femme qui n’avait pas été Sali par une centaine d’hommes. Jamais je ne sortirais vivante de cette demeure. Je voulais en finir. Je voulais mettre fin à cette souffrance, mettre fin à ma souffrance, mais il restait Rosaline. Je devais la sortir de cette maison avant de me retirer la vie. J’avais fini par arriver à mes fins. Un de mes clients était prêt à l’acheter et la libérer contre quelques services. Sans hésiter, j’avais accepté le marché. La fin arriverait bientôt et étrangement cette perspective ne m’effrayait pas. Bientôt un an et demi de passé et près de huit mois que les dernières brides de l’ancienne Juliette avaient disparu. Ce fut à ce moment-là, alors que je ne nourrissais plus le moindre espoir que le fantôme de mon passé est revenu. Roméo m’avait retrouvé. Il était venu me sauver, mais restait-il encore quelques choses à sauver de moi ?
Certains penseront certainement qu’une fois libérée des griffes de mes geôliers tout fut terminée ? Mais ce ne fut pas le cas. Mon esprit était tout autant brisé que mon corps, si ce n’est pas même plus. Durant des mois je fus dans l’incapacité de lever les yeux vers mon mari et je ne parle même pas de contact physique. Des cauchemars m’assaillaient chaque nuit, me ramenant toujours plus violement dans cette demeure. Rosaline quant à elle avait également son lot de souffrance à gérer, en sortant des cygnes, nous avons découvert qu’elle était enceinte et elle décida d’avorter. Comment lui reprocher ? Cet enfant était issu d’un viol. Nous n’avions rien et nous étions brisées et incapables de nous prendre en charge alors un enfant ?
Après six mois d’errance, Roméo reçu une missive de son oncle paternel qui nous demanda de nous rendre dans son royaume : Corona et ce royaume. Un royaume qui m’aida à retrouver la joie de vivre. J’ignore comment le roi Henry nous a retrouvé, mais il en vain rapidement aux faits : il était malade et n’avait jamais eu d’héritier mâle. De ce fait, il voulait que Roméo reprenne les rennes de Corona et c’est ce qu’il a fait. A la mort du feu roi Henry, suivi par sa femme une saison plus tard, nous fûmes couronnés. A la mort de la reine mère, j’étais enceinte de deux mois tout au plus, un miracle bienfaiteur qui soigna mes dernières plaies issues des cygnes. De son côté, Rosaline devenait de plus en plus sombre. Elle semblait me détester parfois et l’instant d’après, elle redevenait ma petite sœur chérie. J’avais mis cela sur le compte du deuil, mais une partie de moi sentait que c’était plus profond. Je voulais en découvrir davantage, seulement, ma santé se dégrada subitement à sept mois de grossesse. Ali tée et affaiblie, je me retrouvais à devoir lutter pour rester éveillé. Le verdict des médecins fut sans appel : ma grossesse était en train de me tuer. Une nouvelle qui manqua d’assommer Roméo qui se retrouvait une fois de plus sur le point de me perdre alors que tout était en train de s’arranger entre nous. Il déplaça terre et mer pour retourner l’unique source d’espoir qu’il nous restait pour que le bébé et moi vivions : la fleur de raiponce. Comme toujours, il arriva à ses fins et me sauva in extrémis de la mort. En me faisant ingérer la potion, mon état de santé s’améliora quasi-instantanément, seulement, il y eu quelques effets secondaires indésirables. J’ai développé des facultés magiques qui me permettent de contrôler le ciel et ses caprices. Une aptitude qui m’effraie autant qu’elle me fascine et sur lequel je ne possède pas le moindre contrôle. Y parviendrais-je un jour ? Je l’ignore, je l’espère.
Mon accouchement quant à lui se déroula dans les meilleures conditions et une fille naquit. Une merveilleuse et magnifique Eleanor, l’étoile de nos jours était la plus belle chose que nous avions Roméo et moi. Nous lui avions prévu une vie merveilleuse et à l’abri du besoin, et on nous la prit au cours d’une nuit d’été 5 mois après sa naissance, cette même nuit Rosaline fut également enlevée et son cœur nous fut rendue le mois suivant accompagné d’une missive nous demandant de retirer les troupes à la recherche de notre fille si on ne voulait pas recevoir son cœur. C’est à cet instant précis que la malédiction de la méchante reine fut lancée, emportant avec elle tous mes espoirs de revoir ma fille. Le cœur brisé et en proie à une nouvelle folie nous avons entrepris de réparer le royaume brisé tout en recherchant discrètement le fruit de notre amour